Voila un dicton arabe, qui lorsqu’il est dit, fait allusion à son sens péjoratif et reducteur, (Ka Ichtah), alors qu’en tamazighte. «da itagh ahidouss» garde tout son sens artistique qui fait qu’un danseur amazigh non seulement ne cache pas sa barbe mais l’arbore avec fierté, car elle ne le diminue point ; au contraire elle met en évidence tout le sérieux et toute la noblesse dont jouit cet art ancestral qui fait partie de notre culture.
Un ami à moi m’a interpelé et m’a reproché de ne pas avoir communiqué sur le colloque organisé par L’Association "Permanences du Judaïsme Marocain" APJM de Paris lors de ses 2° Journées Internationales du Judaïsme Marocain tenues le 10 Mars 2010 à Marrakech dont la Thématique était : « Continuité et / ou Discontinuité du Judaïsme Marocain ? » .
De prime à bord, je tiens à préciser que le fait de ne pas avoir inséré la communication que j’ai faite, n’est pas du à une quelconque hésitation de ma part. Je n’entreprends que ce dont je suis prêt et capable d'en assumer la responsabilté et les conséquences. Et ce n’est pas les quelques énergumènes qui confondent le judaisme et le sionisme et qui font l’amalgame entre l’arabisme et l’islam qui vont me faire peur. Homme de paix, de tolérance et de dialogue, je ne reculerais jamais lorsqu’il s’agit de défendre ces principes auxquels je crois. Haïr le christianisme ou le judaïsme c’est aussi haïr nos ancêtres, car avant l’arrivée à Tamazgha de 3oqba Bnou Nafi3 et de Moussa Bnou Noussair, nos ancêtres ne pouvaient être que juifs, chrétiens ou païens ! Et quitte à déplaire à certains, personnellement j’aimerais qu'ils aient cru en un Dieu unique, celui de Jésus ou de Moise qu’aux dieux païens « Anzar », ou « Wiyha » !
Ceci étant précisé, et même si je le fais avec beaucoup de retard, je transcris ci-après l’intégralité de la communication que j’ai faite lors de ce colloque. Que ceux qui ont l’habitude de jouer aux « apprentis bouchers » aiguisent bien leurs couteaux!
"Mesdames, messieurs, Azul, Salam ou 3alaikoum, Chalom, Bonjour.
Avant d’entamer l’objet de ma communication, je tiens à vous préciser que ce que j’ai dit à Arrik (voir la Video « Retrouvailles » dans la page d’accueil) n’est point le fruit d’une quelconque imagination. C’était comme ça que ça se passait avant chez-moi à Goulmima. Les prunes de notre jardin étaient tellement appréciées par la famille Khaïmy au point où son fils Doudou venait chaque jour les cueillir. Chtito, de madame Khaîmy était très appétissant, je demandais à ma maman pourquoi il n’y a qu’un seul youm kipour par an ?
Je me souviens aussi qu’à chaque fois que mon grand père me demandait d’allait inviter son ami Ichou pour prendre le thé ensemble, je lui demandais lequel des 3mi (oncles) Ichou j’appelle, Est-ce Ichou Barghouz le musulman, ou Ichou Yahya le juif ?
Oui mesdames et messieurs, dans mon ksar, il n’y avait pas de crèche, lorsque Chmiha partait aux champs c’était sa voisine Ito qui gardait son bébé et la réciprocité était vraie aussi. Plus que ça encore, si une des mamans tardait aux champs et que le bébé avait faim l’autre maman lui donnait le sein et lui assurait la tétée ! Vous vous rendez compte de ce que nous tous nous avons perdu ?
J’ai lu dans la presse il y a un mois ce qu’avait déclaré Mr Bouhssira qui est natif de Goulmima. Il a dit qu’il profite à chaque fois qu’il vient au pèlerinage à Gourrama pour aller visiter sa ville natale qu’est Goulmima. Je dis à monsieur Bouhssira qu’il est toujours le bien venu et qu’il est aussi Ghrissois que Moha et moi.
Mesdames Messieurs, mon ami Moha Oustouh et moi faisons partie du Bureau de l’Association Arraw N’Ghriss (enfants de Ghriss en Tamazighte). C’est une association qui aide selon ses moyens les populations démunies, qui apporte un soutien aux élèves des écoles rurales enclavées de notre région, qui encourage la scolarisation des filles rurales et qui milite et fait tout ce qu’elle peut pour sauvegarder la culture amazigh et tout particulièrement la culture judéo-berbère de notre région.
Oui mesdames, messieurs, la culture judéo-berbère n’a pas la même chance que sa consœur judéo-arabe qui a bénéficié et continue de bénéficier du soutien permanent de toutes les composantes de notre pays qu’elles soient à l’intérieur du Maroc ou à l’étranger. Et c’est tant mieux pour elle! Mais la culture Judéo-berbère elle, elle se meurt chers amis, et si nous ne faisons rien pour qu’à défaut de l’enrichir, sauvegarder ce qui reste à à sauvegarder, nous aurons tous failli à notre devoir de transmettre ce qui nous a été transmis.
Chaque année depuis des siècles, Goulmima célèbre Ta3chorte (Achoura) à sa manière. Une manière qui traduit la coexistence entre les religions. Toutes les composantes de la population du ksar se rassemblent pour commémorer et se rappeler en dansant et en chantant cette journée où Dieu sauva Moise et son peuple en ouvrant un chemin à travers la mer rouge pour leur permettre de fuir la tyrannie du pharaon.
Mais, elles remettent aussi des cadeaux aux petits enfants pour symboliser ce qu’avaient fait les musulmans pour consoler les orphelins de l’imam Hossain, petit fils du prophète Mohammed, assassiné à Kerbala en Irak.
Et la symbolique ne s’arrête pas là mesdames et messieurs, puisqu’on rend hommage à l’eau et à la séguiya en jetant dedans tous les hommes qui se sont mariés durant l’année écoulée, pour que les sources, symboles de la vie, continuent à couler et à arroser la palmeraie. Et je pense que cette tradition est païenne.
Y a –t-il mesdames et messieurs plus laïque et plus tolérant que ça ?
Cette fête a toujours été l’occasion, pour les poètes judéo-berbères, de donner libre cours à leur inspiration pour célébrer la femme judéo-berbère et l’eau qui vivifie leur oasis par des poésies de toutes beautés que tous les enfants de Ghriss fredonnent et chantent.
Oui, cette tradition, nous la gardons, les poèmes judéo-berbères continuent à être chantés chez-nous à Goulmima et j’espère que ca sera pour longtemps et pourquoi pas pour toujours. Raison pour laquelle mesdames et messieurs, je profite de la tenue de votre colloque pour vous lancer un appel et le lancer à tous les juifs marocains qui sont ici au Maroc et qui sont de l’autre coté de l’Atlantique ou de la méditerranée pour qu’ensemble nous agissons pour que cette culture demeure et ne disparaisse pas.
Certainement que des juifs marocains originaires de Goulmima, de Rich de Gourama de Tinghir de Debdou d’Azilal de Demnate et d’autres localités amazighophones et qui vivent au Canada, aux USA, en Europe ou en Israël se souviennent encore des poèmes qu’ils chantaient ou que chantaient leurs parents. Nous voulons sauvegarder et pérenniser ses chants et ses poèmes, car ils font partie de notre mémoire commune et constituent un patrimoine dont nous ne pouvons qu’être fiers. Aussi, vais-je réitérer mon appel qu’ensemble nous sauvegardons notre patrimoine. L’Association Arraw N’Ghriss que je préside et dont je suis le fondateur est d’ors et déjà prête à être un partenaire actif et efficace dans ce domaine.
Sur ce vœu et ce souhait, je vous remercie et vous dis, Tanmirte à vous tous! "
Voila cher ami, je n'ai pas caché ma barbe pour danser ni pour dire "htaf abay tef" lorsqu'il s'agit de décrasser de vieux bernouss.
Ainsi va Ghriss
Agadir le 07/08/2010
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