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DEMAIN JE TRANCHERAI VOS TÊTES

LES HOMMES DE MON KSAR 

DEMAIN JE TRANCHERAI VOS TETES, AVAIT DIT LE SULTAN


Au début du 20eme siècle le Sud-Est du Maroc avait vécu ce qu'on appelait communément le SIBA.. Le sultan qui était installé à Fès n’avait aucun contrôle sur les régions éloignées. Au Tafilalet à titre d’exemple c’était l’anarchie totale. Rissani avait connu une succession de sultans qui s’auto proclamaient en éliminant leur prédécesseur qui en général était un frère ou un cousin. Mais l’autorité de ces monarques ne dépassait guère El Jorf. Les Tribus des Ait Atta et des Ait Morghad profitant de cette situation confuse ont guerroyaient et vaincu à plusieurs reprises avec les troupes des ces sultans. De ce fait Amagha, Ghriss et Aferkla échappaient complètement au contrôle des sultans de Rissani.

Les affaires de toute la communauté sont gérées par Takbilte qui est une assemblée dans laquelle étaient représentées toutes les composantes ethniques de la tribu. Cette assemblée était présidée par Amghar qui lui même était désigné par ses paires de Takbilte.

Le commerce se faisait par caravanes entre Fès et Ghriss par des commerçant qui même disposant de sauf-conduits se faisaient escorter. La petite source de « Charb Ou Hreb » qui était le seul point d’eau avant Tizi N’Talghomte était un repère de brigands qui attendaient les caravaniers pour les dépouiller s'ils refusent de payer le droit de passage (autre forme de péage !)

Un mois avant Tafaska la caravane de Ghriss qui était conduite par le grand commerçant Ali Ou Hammi fût attaquée. Les voleurs emportèrent tout et ne laissèrent que la vie sauve au commerçant et à ses accompagnateurs. Et c’est ainsi que toutes les personnes qui attendaient leurs commandes avant la fête de l’Aid apprirent la mésaventure arrivée à leur caravanier et furent trèe affectés et attristées . Une réunion de Takbilte fut décidée pour débattre de cet événement. Ouâatou d’Aourir, Baslam de Gardmite et Moha Machrouh d’Igli représentèrent respectivement Tadighouste, Tinejdad et Amagha. Ba Sidi pour les Chorfa, Didi pour Ait Ihya ou Atmane et Lhaj Lahbib pour Ait Guetto et Zerrara. La dèlègation de Ghriss fut la plus importante et comprenait, entre autres : Bassou Ouabou, Moha Ouidani, Moha n’Ait Sekkou, Zizi, Hmad Hda ? Ali ou Hsaine n’Ait Laghzil et bien d’autres. Après que chacun des présents ait donné son point de vue, deux recommandations furent retenues

1 Envoyer un émissaire à Ait Izdeg dont dépendait le lieu où la caravane fut attaquée. Et leur dire qu’ils ont une semaine pour restituer toute la marchandise volée et de faire des pilleurs ce qu’ils veulent. A défaut une Harqa partira de Ghriss, arrêtera et tuera les voleurs devant le ksar de Tilichte avant de se servir dans les greniers des habitants de rich. Haddou Berri fut chargé de se rendre à Kerrandou pour transmettre l’ultimatum

2 pour que la fête de l’Aid ne soit pas gâchée, Moha Ouidani, Ouattou et Baslam iront au souk hebdomadaire de Rissani pour s’approvisionner en thé, sucre, bougies et autres produits. Mais attention leur a-t-on dit ; nous ne sommes pas en bon terme avec les Filali, il ne faudrait pas que vous soyez repérés. Et c’est justement ce qui arriva. Moha Ouidani fut reconnu par un commerçant de bétail et nos trois Marghadi furent dénoncés au sultan qui envoya ses gardes les arreter. 
Une pluie fine commença à tomber quand les gardes introduirent les trois compères devant le sultan.

Vous voilà entre mes mains, vous les insoumis leur dit le sultan 
Qu’avant nous fait de mal, nous sommes venus au souk en hommes de paix pour nous approvisionner et rentrer chez nous lui répondit Moha Ouidani. 
Ouattou prit la parole et ajouta : vous voyez majesté nous sommes de bonne augure pour toute la région. Nous vous rendons visite et il commence à pleuvoir. 
Ce n’est pas votre visite qui nous a ramener de la pluie, mais le fait de vous avoir capturé ! Attendez qu’on tranche vos têtes et ça sera un déluge. Leur répondit le sultan. 
Gardes faites les descendre au « Dehliz » ordonna le monarque. et les trois hommes furent jetés dans une profonde cave creusée dans le sol argileux de Rissani. 
Surprise pour les trois prisonniers, ils trouvèrent dans cette cave mal éclairée des énormes pots en terre cuite "Ichoukfane" remplis de dattes pressées, des gargoulettes d’eau fraîches et assez de nourriture qui permettrait de tenir un siège.. 
Servons-nous leur dit Baslam. Rester avec la faim ne va pas épargner nos vies ! et les trois hommes se servirent comme ils le voulaient 

Apres la prière d’Al Asr un mokhazni vint remonter les trois prisonniers et les conduit devant le sultan. Ce dernier après leur avoir permis de s’assoire leur dit d’un ton clément.

Est ce vrai que la caravane de Ali ou Hammi a été attaqué par les brigands à Charb ou Hrab?

Exact répondit moha Ouidani 

Et que pensez-vous faire maintenant demanda le sultan ?

Les massacrer répondirent en même temps les trois hommes !

Votre réponse vous a sauvé leur dit le sultan. Non seulement je vous laisse repartir mais je vous offre gracieusement toutes les marchandises pour lesquelles vous êtes venus. Mais éliminez-moi ces brigands des routes qui attaquent nos caravanes et nos convois. Et c’est ainsi que les trois hommes regagnèrent Ghriss chargés de provisions offertes par le sultant

Arrivé à Kerrandou, Haddou Berri fut reçu par l’Amghar des Ait Izdeg Bihi ou Hmad à qui il dit : Grand Cheikh des Ait Izdeg, vous et nous, nous sommes des Ait Yafelmane un pacte de non agression est signé entre nous et ce pacte oblige nos tribus à s‘assister mutuellement en cas d’attaque par d’autres tribus. Un acte hostile s’est produit sur un territoire sous votre contrôle ; ma tribu demande réparation. 
L’Amghar des Ait Izdeg qui écoutait Haddou Berri les yeux baissées leva la tête et regarda droit son interlocuteur. Vous savez mon ami que nous ne tolérons pas de tels actes sur nos terres. Les auteurs de cet actes ont été bannis et chassés de la tribu. Quant aux marchandises elles ont été récupérées et elles vous seront remises demain. Maintenant vous êtes mon invité et sous serai traité en invité de marque. 
Quelle fut la joie des Ghrissois quand ils virent Haddou Berri ramener sur les dos d’une vingtaine de mulets les marchandises volées à Ali Ou Hammi.

Marrakech le 12/06/2005 

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