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MRIRIDA LA POETESSE, MRIRIDA LA COURTISANE le 21/11/2010 à 01h56

l'idée de consacrer la chronique de cette semaine aux courtisanes m'est venue après la lecture du livre du docteur H. Baddag intitulé « Poésie et Poètes Berbères de Demnate » que mon ami Moha Allali enseignant à Goulmima m'a offert.
Ce livre consacré a Mririda N'ait Atik dont j'ai déjà lu la traduction faite par Mr. René Euloge de ses chants a incité en moi l'envie de raconter un épisode de vie que ma génération a connu sinon vécu à Goulmima.

Je ne vais pas m'étaler sur les chant de Tassaoute ni sur Mririda la poétesse mais sur Mririda la courtisane. Mririda qui a quitté son douar au bord de Tassaoute pour se prostituer a Demnate et a Azilal.
Je ne jette pas la pierre à cette pauvre personne qui était une grande poétesse et puis, je n'ai pas à juger ni son choix ni ses agissements. Ce n'est point le but de cet écrit.
Dans le livre de Baddag, j'ai retrouvé de nombreuses similitudes avec ce qui se passait jadis chez-nous et que beaucoup de jeunes ignorent. Et les tabous sont pour beaucoup dans ces non dits

Bien que je sois encore très jeune (c'était au temps du protectorat) Goulmima avait comme toutes les villes du Maroc son bordel où étaient parquées des femmes de joie. Je rassure mon épouse, je n'y ai jamais mis les pied. J'étais très jeunes pour visiter ce genre de lieu, bien que curieux comme je suis, j'aurais aimé savoir comme ça se passait.
L'endroit était dirigé par une patronne qui assurait l'ordre et maintenait la discipline au sein de cette maison. Les filles étaient suivies médicalement par le médecin de l'hôpital pour diagnostiquer d'éventuelles maladies vénériennes.

Après l'indépendance du Maroc ces établissements furent fermés, mais on tolérait l'existence de plusieurs maisons closes où il y avait deux à cinq filles de joie intégrées à la vie du village et qui d'ailleurs étaient invitées pour danser sur es 'estrades dressees pendant les fêtes nationales!
La particularité de ces maisons closes. C'etait l'existence de filles comme Mririda qui excellaient dans le chant et dans la poésie. Et nous en tant qu'adolescents (un peu plus quand-même), nous y allions pour chanter et voir danser ses filles. On s'y rendait quelques fois en groupe pour chanter le temps de prendre cinq ou six théières de thé à la menthe, chacun de nous payait la sienne (le prix d'une théière était de l'ordre de 2 dh). Je ne dis pas que pour certains de nous, la visite de ces lieux s'arrêtait au thé. Je là non plus, je ne m'étale pas sur ce sujet ce n'est pas le but.
Les filles étaient suivies médicalement et avaient un carnet sanitaire. Elles passaient chaque jeudi une visite médicale celles qui etaient malades étaient interdites de pratiquer leur métier jusqu'à leur totale guérison. Ce n'était pas seulement ça qui était intéressant dans l'existence de ces maisons closes mais elles mettaient les filles et les femmes mariées à l'abri des dragueurs qui sont à la recherche d'une aventure sexuelle.
La question que je pose, est-ce qu'en interdisant ces maison closes, on a supprimé le fléau ?
Je ne vous souffle pas la réponse. Car si on dit que la prostitution est le plus vieux métier du monde, c'est parce que, on a jamais pu l'éradiquer. Alors, faut-il faire comme l'autruche qui, en plongeant sa tête dans le sable, croit qu'elle a caché tout son corps ?
Au risque de heurter certaines sensibilités, je pense que la répression seule ne pourra pas tout régler. Je pense qu'à défaut de supprimer ce fléau, il faut tout entreprendre pour le réduire, et la solution réside dans la recherche des solutions aux causes qui conduisent de nombreuses filles à la débauche.
Bien que la pauvreté et la précarité soient pour certaines filles des facteurs qui les conduisent à « vendre leurs corps », beaucoup d'entre-elles ne sont que des victimes de leur naïveté et l'homme qui leur reproche de se prostituer est souvent derrière leur statut de femmes de plaisirs.

Que Mririda me pardonne de ne parler que de son coté cour, je promets de me rattraper en pressentant son coté jardin une fois j'aurais visité sa vallée de Tassaoute et les sept douars des Ait Atik et là, je parlerais de Mririda Tanddamt.
Merci à Moha qui a stimulé en moi l'envie de connaître encore plus Mririda N'Ait Atik qui reste pour moi « l'Énigme de Tassaoute ».
je termine tout de même ma présente chronique par quelques vers de sa poésie qui à eux seuls résument les contradictions et les incertitudes qui avaient marqué la vie de Mririda:

  Moi, je suis comme une fleur et j'attire les hommes
  Comme les fleurs du printemps attirent les abeilles
  Pourquoi aurais-je honte de moi-même, bonnes voisines

  Et moi, o Dieu clément et miséricordieux,
  Et moi que vais-je devenir, que vais-je devenir 
  Quand les hommes ne voudront plus de moi

Ainsi va Ghriss

Goulmima le 21/11/2010

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